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Nathalie Vende est chanteuse lyrique.
Elle nous livre ici son témoignage sur la découverte
de la technique Alexander.
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Ma rencontre avec Alexander
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Une question presque en
forme de regret me vient à l’esprit; aurais-je progressé
plus vite en chant si, parallèlement à mon apprentissage
voici quelques années, j’avais pratiqué la technique
Alexander ? Cela me semble désormais évident. Mais il
vaut mieux tard que jamais.
J’avais un "certain" niveau vocal avant de commencer
la technique Alexander. Mais cette facilité avait été
chèrement acquise, au prix d’une quête "insatiable"
de la technique vocale Après avoir trouvé, sur le
tard, "le" professeur qui m’a enseigné les
bases me permettant ensuite d’atteindre un niveau professionnel,
je me suis "reposée" sur mes lauriers, ne cherchant
plus vraiment à progresser, ou n’imaginant plus pouvoir
progresser davantage, après toutes ces années de travail
pour "forger" l’instrument. Mon travail personnel
se limitait à un "échauffement" de la voix,
sans réflexion approfondie, et au travail musical de mes
morceaux.
C’est alors que, récemment, j’ai eu l’opportunité
de commencer l’apprentissage de la technique, dont j’avais
déjà entendu parler en bien il y a plusieurs années.
J’ai eu la conviction que c’était le moment et
qu’elle m’apporterait énormément dans
mon art.
Je me suis donc rendue à ma première leçon
pleine d’enthousiasme. La première séance de
travail me laissa pantoise. Je sortis du cours euphorique, dans
un état "d’allongement et d’élargissement"
qui me faisait planer. J’étais tellement "zen"
que j’aurais embrassé les gens dans la rue !
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Dans les jours suivants
j’entrepris d’appliquer les principes de la technique,
même balbutiante chez moi, à mon travail vocal. Le
résultat me stupéfia.
J’eus immédiatement l’impression de développer
une aisance incroyable dans la vocalisation. Le timbre était
beaucoup plus brillant , la voix plus sonore encore. J’avais
l’impression de pouvoir chanter sans quasiment respirer. D’ailleurs
cette action, qui jusqu’à présent avait été
très volontaire chez moi (ouverture des côtes , inspiration
et attaque du son) me semblait désormais secondaire, voire
"parasitante" dans l’acte de chanter. D’autres
sensations beaucoup plus affinées se faisaient sentir. Je
ne me posais plus aucune question sur des intervalles chantés
qui me semblaient déstabilisants auparavant ; les sons s’enchaînaient
d’eux mêmes, dans un legato naturel.
J’étais abasourdie par tant de changements au bout
de quelques séances. Et puis il y avait ce "confort"
physique en chantant, cette impression de ne RIEN faire au moment
de chanter, aucun acte volontaire d’ouverture.
Oublier momentanément la poésie de ce lied, le côté
dramatique des paroles de cet opéra de Berlioz, oublier tout
cela et penser uniquement sur sa tête son cou son dos, du
début à la fin de l’air, tout au long de la
séance du travail. Ne plus se concentrer sur sa sacro-sainte
"posture", avec tout le cortège de raideurs et
de crispations que ce terme implique mais permettre à son
dos, à sa tête et à son cou de s’élargir
et de s’allonger. |
Tout au long de son apprentissage du chant,
le chanteur apprend à maîtriser son corps
par petits morceaux.
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J’avais un concert
peu de temps après et je devais travailler avec mon pianiste,
que je n’avais pas informé de ma "démarche".
Dès les premières notes, il me regarda étonné
et me dit que ma voix était "différente".
Il trouva que tout à coup je manifestai une confiance en
moi très affirmée, notamment à certains passages
difficiles de mes airs. Puis il ajouta que certaines lourdeurs vocales
avaient complètement disparu, et que le timbre était
très brillant. Il attribua tous ces changements au fait que
je venais de faire une série de concerts et que cela m’avait
sans doute beaucoup apporté.
Je lui dis alors que j’avais commencé l’apprentissage
de la technique, et il n’en fut pas étonné,
en ayant très souvent entendu parler en bien.
Je ne suis qu’au début de mon apprentissage, et j’ai
encore un long chemin devant moi. Néanmoins, une fois passée
l’euphorie des premiers temps, il ne me paraît pas si
extraordinaire qu’un chanteur puisse, dès le début
des leçons, tirer parti de la technique (je ne dis pas pratiquer
car à mon avis, cela nécessite des mois, voire des
années) pour améliorer très rapidement son
chant.
Tout au long de son apprentissage du chant, le chanteur apprend
à maîtriser son corps par petits morceaux.
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Tout d’abord,
le professeur enseigne souvent à l’élève
que les mécanismes du chant ne peuvent s’acquérir
qu’en faisant "quelque chose" de particulier avec
diverses parties de son corps, et particulièrement :
ses poumons, ses côtes, son diaphragme pour la respiration;
son larynx, sa langue, son voile du palais, son pharynx pour l’émission
et l’amplification du son; ses résonateurs, ses sinus,
son palais dur pour la résonance, son corps en général
pour la posture, cette dernière étant elle-même
analysée et décortiquée.
Une fois assimilées les premières acquisitions techniques,
ou en même temps, le professeur attire alors l’attention
de l’élève sur :
la diction, la prononciation, la déclamation nécessaire
à une bonne projection
le sens du texte, l’idée ou le sentiment exprimé
dans la phrase, le morceau,
l’interprétation du personnage, le contexte de l’œuvre,
le cadre historique de l’ouvrage et du compositeur, etc….
Cette liste n’est pas exhaustive, et chacun pourrait y rajouter
quelque chose, me semble-t-il. Dans une vision un peu simpliste,
le travail du chanteur pourrait être comparé à
celui d’un mécanicien assemblant diverses pièces
d’une automobile, et ensuite les faisant fonctionner mécaniquement,
les ajustant selon les besoins |
L’instrument du chanteur, ce n’est pas son
corps, contrairement à ce que l’on pourrait penser,
mais c’est lui-même.
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Quand il s’agit
ensuite de rouler avec la voiture, il n’est pas rare que l’un
ou l’autre des diverses pièces de la machine s’enraye
ou ne fonctionne pas à son plein régime.
Il m’est souvent arrivé en chantant de laisser ma pensée
vagabonder du corps à l’esprit, de l’esprit au
corps, de sauter mentalement à l’idée d’exprimer
un sentiment à celle de bien négocier un intervalle
difficile, ou même d’avoir un trou de concentration,
c’est-à-dire pendant une phrase entière de ne
penser ni à ce que je chantais, ni à ce que je faisais
en chantant, bref, de prendre congé de moi-même et
de mon auditoire.
La technique Alexander permet au puzzle de se reconstituer; de
comprendre que c’est soi-même qu’on utilise et
non pas plusieurs parties de soi. Nous sommes un tout et c’est
ce tout qui agit en permanence, ou qui n’agit pas.
C’est d’autant plus vrai pour le chanteur.
Si l’instrument du violoniste est le violon, un objet extérieur
à lui clairement identifiable, l’instrument du chanteur,
ce n’est pas son corps, contrairement à ce que l’on
pourrait penser, mais c’est lui-même. Et c’est
ce lui-même qu’il doit apprendre à utiliser dans
sa totalité, et non pas privilégier tel ou tel aspect
physiologique ou intellectuel.
L’intérêt de la technique est qu’il n’est
jamais trop tard pour chanter autrement, celle-ci pouvant s’acquérir
à tout âge, et à tout niveau de son avancement
vocal.
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Il s’agit en fait
de se faire confiance, et de ne pas mobiliser inutilement des muscles
qui sont tout à fait capables de fonctionner sans tension
ou sans volonté excessive, de retrouver une liberté
qui permet ensuite l’interprétation (mais sans "surinvestissement")
et la souplesse vocale.
Dans un premier temps, il me semble que considérer la pratique
du chant sous cet aspect peut avoir un impact considérable
sur le chanteur à n’importe quel stade de sa formation.
Une autre réflexion m’est venue en pratiquant la technique
et en l’appliquant au chant, c’est que pour un chanteur
plusieurs choses sont immédiatement "compréhensibles"
dans la mise en œuvre de la technique Alexander.
Tout d’abord , le contrôle du cou, de la tête
et du dos amène le chanteur dans une statique idéale,
s’il en existe une. Tout apprenti chanteur cherche constamment
une « posture » lui permettant d’émettre
les sons dans la meilleure configuration possible. Très souvent
ce travail est appréhendé de manière fragmentée:
tenir sa tête droite (donc raide), ne pas être cambré,
ne pas affaisser son sternum, laisser ses genoux souples, etc.
Le professeur attire constamment l’attention sur tel ou tel
défaut ou relâchement d’un de ces éléments,
sans même faire le lien entre eux parfois. Le résultat
aboutit très fréquemment à une crispation musculaire
partielle ou générale, dont le chanteur prend conscience
ou pas, et à laquelle il s’habitue généralement. |
Alors une nouvelle vie de chanteur commence, riche d’explorations
à venir.
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Le contrôle primaire
selon la technique amène tous ces éléments
du corps dans une position idéale, permettant une libération
totale du larynx, donc une ouverture naturelle de la gorge. La "simplicité"
de ce geste est tel que le chanteur a vraiment intérêt
à pratiquer cela dès le départ car il ressent
un confort nouveau pour lui et la sensation d’être parfaitement
"posé".
Le fait de permettre à son dos de "s ‘élargir
et s’allonger" crée la sensation d’ouverture
nécessaire au chanteur, sans effort musculaire, juste en
se concentrant. La souplesse du tronc, l’élargissement
et l’allongement du dos permettent une respiration souple
et spontanée, qui évite une nouvelle fois toute raideur
du dos, permet le maintien de la poitrine, évitant l’affaissement
du sternum.
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Le fait de "permettre"
induit automatiquement un acte souple et non volontaire, donc des
crispations neutralisées avant même l’émission
du son.
Et puis, petit à petit, au fil des séances, l’énergie
circule ; le son pend une tout autre dimension, se "remplit"
d’harmoniques et aussi d’un sens nouveau. Alors une
nouvelle vie de chanteur commence, riche d’explorations à
venir.
Un jour que j’assistais à un concert, l’un des
chanteurs avait indiqué dans sa biographie qu’il avait
appris à chanter grâce à la technique Alexander.
A l’époque, cette affirmation me semblait un peu "excessive".
Aujourd’hui, j’en comprends tout le sens. |
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