Page 132 - #BalanceTonPresident
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2 décembre 2019
jardin, l’énergie auto-produite, tout était devenu taxable, réglementé.
On aurait laissé faire qu’on nous aurait fait payer le soleil!
Ce décembre
09 sonna la fin des luttes individuelles. Trois mois
avant, plusieurs syndicats avaient annoncé cette grève générale à pro-
pos d’une énième réforme des retraites. Ce n’était pas la première fois
qu’une telle annonce était faite, mais là, depuis des mois que tous les
corps de métiers craquaient, les syndicats s’étaient sentis obligés de
passer à l’action. Ce n’était pas gagné pour le privé, mais la fonction
publique était prête, mobilisée. La tentative de suicide d’un étudiant
laissant pour message : « Vive le socialisme, vive l’autogestion, vive la
Sécu ! » réveilla les autres, et à quelques jours de la date fixée, beaucoup
étaient mobilisés. Quant aux Gilets jaunes, il ne leur fallait pas rater
cette occasion. C’était maintenant ou jamais.
Les préfectures avaient eu du mal à gérer leurs effectifs, car même
eux annonçaient vouloir participer à la grève. Finalement, le logiciel
acheté par Matignon quelques mois plus tôt avait permis de gérer le
prévisionnel-présence, mais le jour J, un bug de l’application désorienta
l’ensemble de l’État major, le poussant à envoyer des troupes à l’aveu-
gle, tant dans les campagnes que dans les grandes villes. C’est là que
les Gilets jaunes intervinrent, et connaissant mieux que quiconque
leurs villages et leurs quartiers, les piégèrent assez facilement. Avec
les camarades syndiqués les plus motivés, ils avaient également orga-
nisé l’occupation en masse des services publics, réquisitionné les su-
permarchés et les stations essence pour tenir le temps qu’il faudrait.
Après tous les blessés lors des manifestations de l’année, le black
bloc, autrefois décrié, était devenu le protecteur contre ceux des forces
du désordre qui obéissaient encore à leurs hiérarchies. Peu importe
la puissance des armes, ce qui compte, c’est le nombre, ne cessais-je
de me répéter. Et nous sommes le nombre. Nous ne pouvons pas per-
dre plus que tout ce que ces gens nous ont déjà enlevé. En effet, nous
fûmes le nombre. Des millions de personnes dans la rue, des milliers
d’entreprises à l’arrêt, l’électricité des multinationales coupée, et remise
chez les plus précaires, les bureaux et logements vides occupés par les
sans-abri, les sans-papiers et les plus démunis. En moins d’une
semaine, la pagaille fut totale et le Gouvernement obligé d’abdiquer.
Alors j’ai dit à mes petits-enfants : « Vous voyez, si aujourd’hui, vous
avez encore des fleurs dans les champs, si l’école est redevenue gratuite,
si travailler n’est plus n’est plus une souffrance, c’est un peu grâce à
toutes celles et tous ceux qui se sont décidé à dire stop ce jour-là. »
J’en étais là quand je me suis réveillée.
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