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2 décembre 2019


            jardin, l’énergie auto-produite, tout était devenu taxable, réglementé.
            On aurait laissé faire qu’on nous aurait fait payer le soleil!
              Ce ˆ décembre …0„9 sonna la fin des luttes individuelles. Trois mois
            avant, plusieurs syndicats avaient annoncé cette grève générale à pro-
            pos d’une énième réforme des retraites. Ce n’était pas la première fois
            qu’une telle annonce était faite, mais là, depuis des mois que tous les
            corps de métiers craquaient, les syndicats s’étaient sentis obligés de
            passer à l’action. Ce n’était pas gagné pour le privé, mais la fonction
            publique était prête, mobilisée. La tentative de suicide d’un étudiant
            laissant pour message : « Vive le socialisme, vive l’autogestion, vive la
            Sécu ! » réveilla les autres, et à quelques jours de la date fixée, beaucoup
            étaient mobilisés. Quant aux Gilets jaunes, il ne leur fallait pas rater
            cette occasion. C’était maintenant ou jamais.
              Les préfectures avaient eu du mal à gérer leurs effectifs, car même
            eux annonçaient vouloir participer à la grève. Finalement, le logiciel
            acheté par Matignon quelques mois plus tôt avait permis de gérer le
            prévisionnel-présence, mais le jour J, un bug de l’application désorienta
            l’ensemble de l’État major, le poussant à envoyer des troupes à l’aveu-
            gle, tant dans les campagnes que dans les grandes villes. C’est là que
            les Gilets jaunes intervinrent, et connaissant mieux que quiconque
            leurs villages et leurs quartiers, les piégèrent assez facilement. Avec
            les camarades syndiqués les plus motivés, ils avaient également orga-
            nisé l’occupation en masse des services publics, réquisitionné les su-
            permarchés et les stations essence pour tenir le temps qu’il faudrait.
              Après tous les blessés lors des manifestations de l’année, le black
            bloc, autrefois décrié, était devenu le protecteur contre ceux des forces
            du désordre qui obéissaient encore à leurs hiérarchies. Peu importe
            la puissance des armes, ce qui compte, c’est le nombre, ne cessais-je
            de me répéter. Et nous sommes le nombre. Nous ne pouvons pas per-
            dre plus que tout ce que ces gens nous ont déjà enlevé. En effet, nous
            fûmes le nombre. Des millions de personnes dans la rue, des milliers
            d’entreprises à l’arrêt, l’électricité des multinationales coupée, et remise
            chez les plus précaires, les bureaux et logements vides occupés par les
            sans-abri,  les  sans-papiers  et  les  plus  démunis.  En  moins  d’une
              semaine, la pagaille fut totale et le Gouvernement obligé d’abdiquer.
              Alors j’ai dit à mes petits-enfants : « Vous voyez, si aujourd’hui, vous
            avez encore des fleurs dans les champs, si l’école est redevenue gratuite,
            si travailler n’est plus n’est plus une souffrance, c’est un peu grâce  à
            toutes celles et tous ceux qui se sont décidé à dire stop ce jour-là. »
              J’en étais là quand je me suis réveillée.

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