Page 204 - #BalanceTonPresident
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1 er juin 2020


              Je ne sais pas comment le top départ a été lancé, mais la foule a
              soudain envahi le boulevard. J’aime l’effet de surprise. J’aime quand
            la rue est conquise. J’aime quand la police est prise de cours. J’aime la
            foule qui scande, qui avance, portée par la force du nombre. S’il n’y
            avait pas eu le meurtre de Minneapolis, suivi des émeutes depuis qua-
            tre jours, et si la veille, un môme n’avait pas risqué  d’y passer de la
            même façon à Paris, peut-être que la police aurait osé, mais là, les
              ordres ne sont jamais arrivés et le rassemblement a tenu un peu plus
            d’une demi-heure, avant de rejoindre l’Opéra d’où un défilé a démarré
            sous les lacrymos. La manifestation est arrivée sans trop d’encombres
            jusqu’à la place de la République et a été dispersée dans les conditions
            habituelles.
              On se croirait presque revenu au temps d’avant, mais ne nous y
            trompons pas, il y a encore du boulot et puis le temps d’avant, non
            merci ! Ce n’est pas faute d’avoir des bonnes volontés comme ces
              intellectuels, syndicalistes et autres porte-voix qui se décident enfin à
            lancer des appels via des vidéos ou des textes publiés un peu partout.
            Des appels pour retrouver un peu de cohérence , freiner la folie
              dévastatrice de notre président , voire envisager un futur de jours
            heureux . Mais on fait quoi avec nos appels ? Quand la discipline est
            de mise avec les bistrotiers qui s’exécutent (c’est le cas de le dire) à ne
            plus pouvoir servir la clientèle debout. Quand il y a encore du monde
            prêt à accepter des plages quadrillées, des piscines sur rendez-vous,
            les distances imposées, à l’école, au boulot, dans le métro et même
            dans nos voitures personnelles ! On se donne bonne conscience avec
            nos appels et en attendant, le président se régale.
              Alors on aurait dit que tant qu’il y a de la vie, y’a de l’espoir, mais
            on aurait dit aussi que tant qu’on se laissera imposer nos conditions
            de vie et de rencontres, tant que les interdictions, les réglementations
            et les contraventions augmenteront, tant que nous accepterons de
            vivre sous le régime de l’autorisation, l’espoir sera vain. Et moi, j’veux
            pas crever sans connaître autre chose, sans avoir vécu dans un monde
            qui ne s’accommoderait plus des pires exploitations, un monde qui
            aurait changé de bases. Non, j’veux pas crever comme ça, alors j’ai de
            l’espoir et je reste en vie, juste pour voir ça, un jour.









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