Page 22 - #BalanceTonPresident
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21 février 2019
l’intelligentsia parisienne tous bords confondus, quand je croise tous
les jours la misère de la ruralité et de ses ronds-points. J’ai quelques
légumes au jardin, mais j’avoue que le plus souvent, je mange ceux du
supermarché, alors que mon frère se désespère quand Alain Passard
réduit le poids de ses paniers bios.
Si cela ne faisait pas vingt-cinq ans que je vivais en France périphé-
rique, je n’aurais pas connu la pauvreté culturelle qui s’y trimballe, je
n’aurais pas vu pousser les lotissements et leurs ronds-points, ni eu à
calculer , puis , puis euros d’essence pour aller au cinéma, je n’au-
rais peut-être pas vu autant de femmes battues, de maris violents et
d’enfants désœuvrés.
Mon frère m’a dit être (plus ou moins) d’accord avec les revendica-
tions (les salaires trop faibles, les impôts…), mais pas comme ça, pas
avec cette violence qui coûte une fortune.
Pour avoir participé à quelques manifestations ces dernières années,
je lui ai garanti que la re agression est de subir le comportement des
forces de l’ordre et lui ai donné la meilleure adresse pour s’informer :
Desarmons.net .
Et puis j’ai continué : passées les violences physiques, qui appellent
souvent chez l’être humain une réplique du même ordre, se trouvent
les violences sociales que sont les injustices salariales, fiscales, territo-
riales, auxquelles on peut bien sûr ajouter le chômage qui tue quatre
fois plus que les accidents de la route.
Depuis des décennies, les conditions de travail se dégradent avec
des objectifs à atteindre sous la pression permanente des marchés. Il
ne s’agit plus de fabriquer pour subvenir à nos besoins, mais toujours
de produire plus, plus vite et moins cher, pour enrichir les actionnaires
des multinationales. La répartition des richesses produites par nombre
de travailleurs (ouvriers, fonctionnaires, cadres, petits entrepreneurs)
est démesurément injuste, comme l’explique très bien un rapport
d’Oxfam de
0.
Si ma prose amuse mon frère, mon discours l’emmerde, mais il
m’avoue son angoisse du désordre. Le désordre, dit-il, c’est la porte
de la misère. Chez lui, tout est blanc et rangé, à l’abri des désordres
ambiants, car ce qui lui fait peur dans le désordre, c’est la violence
qu’il prépare.
Moi, j’aime les désordres de la vie. J’aime être bousculée par l’im-
prévu. Je suis angoissée par l’ordre, tous les ordres. L’ordre, c’est la porte
de la prison, et je préfère encore la misère des ronds-points, avec leurs
cabanes en palettes, le brasero qui réchauffe, les viennoiseries sous
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