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21 février 2019


            l’intelligentsia parisienne tous bords confondus, quand je croise tous
            les jours la misère de la ruralité et de ses ronds-points. J’ai quelques
            légumes au jardin, mais j’avoue que le plus souvent, je mange ceux du
            supermarché, alors que mon frère se désespère quand Alain Passard
            réduit le poids de ses paniers bios.
              Si cela ne faisait pas vingt-cinq ans que je vivais en France périphé-
            rique, je n’aurais pas connu la pauvreté culturelle qui s’y trimballe, je
            n’aurais pas vu pousser les lotissements et leurs ronds-points, ni eu à
            calculer ˆ, puis ‰, puis Šeuros d’essence pour aller au cinéma, je n’au-
            rais peut-être pas vu autant de femmes battues, de maris violents et
            d’enfants désœuvrés.
              Mon frère m’a dit être (plus ou moins) d’accord avec les revendica-
            tions (les salaires trop faibles, les impôts…), mais pas comme ça, pas
            avec cette violence qui coûte une fortune.
              Pour avoir participé à quelques manifestations ces dernières années,
            je lui ai garanti que la „ re agression est de subir le comportement des
            forces de l’ordre et lui ai donné la meilleure adresse pour s’informer :
            Desarmons.net .
              Et puis j’ai continué : passées les violences physiques, qui appellent
            souvent chez l’être humain une réplique du même ordre, se trouvent
            les violences sociales que sont les injustices salariales, fiscales, territo-
            riales, auxquelles on peut bien sûr ajouter le chômage qui tue quatre
            fois plus que les accidents de la route.
              Depuis des décennies, les conditions de travail se dégradent avec
            des objectifs à atteindre sous la pression permanente des marchés. Il
            ne s’agit plus de fabriquer pour subvenir à nos besoins, mais toujours
            de produire plus, plus vite et moins cher, pour enrichir les actionnaires
            des multinationales. La répartition des richesses produites par nombre
            de travailleurs (ouvriers, fonctionnaires, cadres, petits entrepreneurs)
            est démesurément injuste, comme l’explique très bien un rapport
            d’Oxfam  de …0„Š.
              Si ma prose amuse mon frère, mon discours l’emmerde, mais il
            m’avoue son angoisse du désordre. Le désordre, dit-il, c’est la porte
            de la misère. Chez lui, tout est blanc et rangé, à l’abri des désordres
            ambiants, car ce qui lui fait peur dans le désordre, c’est la violence
            qu’il prépare.
              Moi, j’aime les désordres de la vie. J’aime être bousculée par l’im-
            prévu. Je suis angoissée par l’ordre, tous les ordres. L’ordre, c’est la porte
            de la prison, et je préfère encore la misère des ronds-points, avec leurs
            cabanes en palettes, le brasero qui réchauffe, les viennoiseries sous

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