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Moi et mon frère de droite


          plastique et le mauvais café, mais où les gens se causent et rigolent
          sous leur gilet, car c’est certain, ça ne fait rire que ceux qui n’ont plus
          rien à y perdre.
           Chez mon frère, je sens la peur. La peur des dirigeants politiques
          et financiers, des journalistes et intellectuels, pour faire court, la peur
          des élites. Et plus ils ont peur, plus ça fait bander ceux qui se disent
          le Peuple, avec une majuscule. Je me demande si la peur est de droite.
          Je me demande si j’aurais le même regard si j’étais restée vivre à Paris,
          au cœur de ma classe sociale, sans vivre l’appauvrissement de la France
          profonde.
           Il paraît que les syndicats ont tenté d’alerter que ça allait péter, des
          députés aussi, mais on n’y peut tellement rien à cette mondialisation
          que tout le monde a cru que ça pourrait continuer, que les gueux se
          tairaient. Et nous abordons la violence du mépris. Le mépris de classe.
           C’est bien dans le regard méprisant des dominants que les Gilets
          jaunes se sont vus traités comme des gueux. Ainsi, les gens payés au
          Smic, les retraités sous-pensionnés, les femmes seules avec enfants,
          les petits entrepreneurs, les précaires, les chômeurs, les invalides ou
          les handicapés, méprisés de leur inculture, de leur orthographe, de
          leur pauvreté sont devenus gueux, comme en témoigne cette aumône
          accordée par le président après trois semaines de révoltes.
           Alors, avec mon frère, nous abordons les sujets de la Révolution
          française, le Front populaire, la Commune, la Résistance, ‰‹…
           Il dit que les évolutions de la société n’ont pas été poussées par les
          révolutions. C’est l’inverse. Ce sont les évolutions qui ont créé des
          réactions de refus, jusqu’à la violence. Il ajoute que les révoltes ou les
          révolutions, ce n’est pas amélioration, progrès, solution, avenir, résolu-
          tion, mais une réaction, une destruction, un recul, une paralysie.
           Dépitée, je réponds que c’est oublier un peu trop vite l’abolition de
          l’esclavage, la création des congés payés, de la sécurité sociale, les droits
          des femmes, des ouvriers, des enfants, des homosexuels, le droit de
          grève, l’accès à la culture, à l’éducation...
           Il insiste : Il n’y a jamais eu de révolte entraînant des lois pour don-
          ner des droits, ça n’est jamais comme ça que ça a marché. Le Front
          populaire, c’est d’abord une élection (Blum). Et la Résistance, on ne
          peut pas non plus parler de révolte. C’est plutôt une guerre clandes-
          tine, tout sauf populaire, à moins de considérer les ˆ0000 résistants
          comme des représentants du peuple... Ce qui est un peu exagéré pour
          un pays à 90 % pétainiste. Tiens, me dis-je, une poignée de résistants,
          même avec 90 % de macronistes, ça pourrait marcher donc !

                                                                   …„
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