Page 74 - #BalanceTonPresident
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17 juillet 2019
Tu penses que les gueux vont arrêter de venir te faire chier le week-
end ? Tu ne descends plus dans la rue que pour le foot ou le climat ?
C’est sûr, tu es sale, tu pues, tu te dégrades tellement que tu crois le
climat responsable, ça ne peut pas être de ta faute. Alors tu t’en fous
encore, tant que tu peux consommer dans ces anciens bars de quartier
métamorphosés en salons branchés avec terrasses chauffées en hiver.
En début d’après-midi, nous avons remonté les Champs en voiture,
juste avant qu’ils ne soient bloqués et nous sommes arrivées à pied
par la rue Balzac. Un homme chic s’agitait au téléphone et criait : «Ne
viens pas, on est attaqués par les Gilets jaunes, c’est terrible, ne viens
surtout pas à Paris ! » On a rigolé avant d’aller rejoindre les camarades.
C’est amusant un rassemblement de Gilets jaunes sans gilet, ça met
une belle pagaille dans les rangs de la police, mais tu t’en fous, tu
laisses les touristes et leurs enfants se faire gazer, car tu n’es pas là pour
le voir. Le canal Saint-Martin est tellement plus agréable le dimanche
après-midi, à tes heures piétonnes, et tu te fous des migrants qui cam-
pent ou qui meurent au bout des quais.
Le matin, durant le défilé, les Gilets jaunes avaient réussi leur coup
avec les huées et les sifflets, malgré les arrestations. À heures, les
barrières de fer censées contenir le public de la parade n’avaient tou-
jours pas été retirées, et rien n’a pu empêcher les Gilets de les déverser
au milieu de la chaussée. C’était le moment d’attaquer le Fouquet’s qui
fêtait sa réouverture, mais ça a traîné et c’est là qu’il y a encore eu pas
mal d’arrestations, en plus des enfants en pleurs et des blessés.
Les arrêtés ont rejoint ceux du matin rue de l’Évangile, dans les an-
ciens entrepôts de la Sncf qui servent à parquer, contrôler et trier les
récalcitrants. Non, mais oh ! Paname, tu te crois où ? Tu te crois
quand? Cela ne t’a donc pas suffit tous ces laisser-faire, ces délations
d’un autre temps. Et la Sncf qui permet l’utilisation de son site pour
les exactions d’un gouvernement incompétent. Pince-moi, Paname !
Dis-moi que je rêve, dis-moi que tu vas te relever, dis-moi que tu n’es
pas celle-là.
Rappelle-toi ma belle, quand nous étions des centaines de milliers
à battre le pavé à la moindre occasion. Quand l’épicier nous faisait
crédit. Quand les passages n’étaient pas bouclés par des digicodes.
Quand il y avait de l’eau potable aux fontaines. Quand les loyers
étaient abordables. Quand tu n’avais pas encore vendu ton âme pour
une luxueuse galerie, de plus en plus dévastatrice, face à la misère de
tes quartiers abandonnés. Ne me fais plus honte, Paname. Souviens-
toi et soulève-toi, une nouvelle fois.