Page 71 - #BalanceTonPresident
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« Entends le bruit que font les Français à genoux. Dix ans qu’ils sont
pliés, dix ans de servitude. Et quand on vit par terre on prend des
habitudes. Quand ils se lèveront, nous resterons chez nous. »
Paris, je ne t’aime plus, Léo Ferré, 1970
17 juillet 2019
Paris, debout, soulève-toi !
Salut Paname, je reviens de chez toi, et ce n’était pas beau à voir,
tu m’as fait honte. Depuis vingt-cinq ans que je t’aie quittée,
j’aurais préféré te dire que j’étais repassée avec plaisir à la maison,
te remercier pour ce week-end, mais j’ai passé quarante-huit
heures à avoir honte de toi, Paname.
Vendredi, alors que nous roulions sur le périphérique, l’appel à venir
soutenir les Gilets noirs au Panthéon était lancé. C’est comme ça
qu’avec ma copine, on est arrivées sur les lieux, juste après l’évacuation
du mausolée. Le quartier était calme, vu qu’il avait été entièrement
bouclé, et on a retrouvé les Gilets noirs parqués, côté rue Clotilde. On
est restées un moment à regarder ce triste spectacle, et les badauds
filmaient les Gilets noirs encerclés par les crs.
J’ai passé une partie de mon enfance dans ce quartier, Paname, et je
n’aurais jamais cru voir cela cinquante ans plus tard. Quand tout le
quartier était dépavé, quand les étudiants et les ouvriers parlaient déjà
de l’honneur des travailleurs et d’un monde meilleur, c’était quelques
années après le massacre de Charonne, et tu n’aurais pas laissé faire,
j’en suis certaine.
Aujourd’hui, tu ravales tes bâtiments, et ceux de la place du Pan-
théon n’en sont pas à leur premier échafaudage. Tu crois te faire belle
avec tes couloirs de bus et de vélos pour les Jeux à venir. Tu te crois
écolo avec tes voies sur berge sans circulation. Tes anciennes places
populaires ne sont plus que de vastes chantiers, en attente de leur
transformation en galeries marchandes de marques fabriquées par des
enfants à l’autre bout du monde.
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