Page 73 - #BalanceTonPresident
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Paris, debout, soulève-toi !


           Au loin, au carrefour Faidherbe, on voyait du jaune, plein de jaune.
          Tout le monde s’était dispersé après la nasse et comme disait un crs
          quelques minutes avant : « Chef, chef, y’en a aussi par là, ils arrivent
          de  partout ! » Ils  approchaient,  reculaient,  reprenaient  la  marche,
            pendant que de la Bastille arrivaient les dar (Détachement d’action
          rapide). Les cars de crs bloquaient déjà le faubourg quand devant
          nous, un type s’est fait jeter violemment à terre par trois Robocop.
          T’étais pas là pour le voir, Paname, mais à ce moment-là, les femmes
          se sont arrêtées. Elles ont gueulé, elles ont filmé et invectivé ces agents
          du désordre public. L’homme saignait, on lui a donné de l’eau, appelé
          les pompiers, et griffonné deux noms d’avocats sur un bout de papier
          en lui recommandant de ne rien déclarer. Une fois embarqué dans la
          voiture du jeune chef à lunettes noires, nous avons chanté On est là!
          en tapant dans nos mains et le gars chantait aussi derrière la vitre.
          Dommage que tu n’aies pas été là pour voir cela.
           Place de la Bastille, les flics nous ont fait passer par le métro pour
          traverser la rue. À l’angle Roquette/Saint-Antoine se trouve une
          autre maison de mon enfance, et je ne supporte pas que tu continues
          à déglinguer le quartier. Tu nous prépares quoi autour de la colonne?
          Un truc du genre de ce que tu as fait place de la Nation ? Une statue
          au milieu de quelques mètres carrés de pelouses entourées d’allées
          piétonnes sans intérêt ? On verra bien puisque tu as l’air d’apprécier
          ces aménagements du territoire. La disparition des petits commerces
          au profit de la fringue ou des restos, tel celui qui a refusé une table à
          des Gilets jaunes, ceux qui vous emmerdent tous les samedis pour un
          monde meilleur, pour pas crever sans que tu le saches.
           On a récupéré ma voiture, garée pas très loin, et deux camarades bre-
         tons, dont une venait de faire „ˆkm avec une canne, et on est allés
          bouffer du homard boulevard Saint-Germain. Ça n’a pas servi à rien,
          mais on ne le savait pas encore, et c’était très rigolo. On a crié Libérez
         les homards, de Rugy : démission, On veut du Pommard et du homard…
         Enfin, je te laisse imaginer ! J’en ai encore la voix cassée. Le soir, au bal
         organisé place des Fêtes, il y avait encore des Gilets jaunes et quelques
         habitants du quartier, mais là encore, je me demande ce que tu vas faire
         de cette place en pleins travaux. Arrête de t’autodétruire.
           Dimanche, à 9heures, je suis passée au Moulin Rouge. C’était la
         manif sauvage, pour ceux qui avaient évité ou n’avaient pu rentrer sur
         les Champs. Des Bretons, des Normands, des Bourguignons, des Bor-
         delais, des Basques, des Corses, des Lyonnais, des Lillois, des Nantais,
         mais toi, Paname, t’étais où ? Tu crois que la Révolution est bouclée ?

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